La Turquie est européenne

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La récente visite du président américain Barack Obama en Europe, au-delà des déclarations d’amitié, a mis en évidence un désaccord de taille dont la nature est autant géostratégique que culturel. M.Obama a insisté sur l’importance de l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne (UE). La réponse de Nicolas Sarkozy, représentant la position majoritaire en Europe, a été immédiate : s’il est possible d’envisager une association privilégiée avec la Turquie, l’adhésion à l’ UE n’est pas à l’ordre du jour. La Turquie n’est tout simplement pas européenne, ni géographiquement, ni culturellement.


Les interprétations relatives à la position américaine sont multiples et contradictoires mais elles révèlent bien les tensions internes à l’Europe. D’aucuns pensent que les Etats-Unis sont premièrement intéressés à sécuriser l’accès aux richesses énergétiques vers la mer Caspienne ; d’autres soupçonnent les Américains de vouloir peser davantage sur l’Europe avec l’alignement militaire de la Turquie sur les positions américaines (à travers l’OTAN) ; d’autres enfin y décèlent une volonté américaine d’affaiblir l’Europe en lui imposant « le boulet turc» qui, par ses besoins économiques, sa démographie et sa culture ne saurait manquer de compliquer le futur de l’Europe.


Aucune de ces interprétations n’est absolument juste ou fausse mais ce qui demeure intéressant tient à ce qu’elles révèlent des contorsions européennes quant à son identité et son futur. Les élections européennes approchent, la question turque ne semble pas être un enjeu lancinant et pourtant son spectre est partout à travers les questions de «l’identité européenne », de l’ « immigration » et de la « question musulmane ». Les partis qui promeuvent une vision de plus en plus étroite de l’Europe gagnent du terrain : ce sont ces mêmes partis qui développent une perspective très « judéo-chrétienne » de l’histoire européenne, un rapport de méfiance caractérisée vis-à-vis de l’islam, des politiques dures et répressives vis-à-vis de l’immigration et enfin le refus de cette Turquie trop peuplée et trop islamique. Les populations européennes ont peur, exigent davantage de sécurité et attendent, au cœur de la profonde récession économique que nous traversons, que les politiques les protègent autant de la diminution du pouvoir d’achat  que de l’ « étranger », « l’immigré » qui viendrait mettre à mal autant l’équilibre économique que l’homogénéité culturelle. En ce sens « la question turque » est un révélateur autant des forces centripètes de l’Europe (se sentir « ensemble » contre ce qui nous menace et nous agresse) que de ses forces centrifuges (absence de vision géostratégique ou de politique étrangère communes par exemple).


Les arguments qui placent la Turquie hors de l’histoire et de la géographie européennes ne tiennent pas à l’analyse. Pendant plus de 400 ans l’Empire Ottoman a partagé et déterminé l’avenir politique et stratégique du continent. Il fut « l’homme malade » de l’Europe jusqu’au siècle dernier et aujourd’hui encore son poids historique et économique reste déterminant. Redessiner les contours géographiques de l’Europe selon l’idéologie ou les nécessités politiques du moment ne trompent personne : en usant des mêmes critères, Chypre devrait aussi être hors de l’Europe et ce découpage fait fi de l’histoire autant que des réalités concrètes du terrain où se mêlent les origines,  les mémoires et les cultures. 40% de la population turque a une origine ethnique européenne et des millions de Turcs ont déjà acquis la nationalité d’un pays européen.


Les vraies questions sont donc ailleurs et il faut les regarder en face. A lieu d’être obsédés par la question culturelle et religieuse (la peur de l’islam), les dirigeants européens feraient bien de développer une vraie vision géostratégique pour l’avenir : la Turquie est incontournable quant aux relations avec l’Iran, la Syrie, l’Irak et l’Asie centrale et son poids économique autant que militaire devraient être intégré à une politique européenne de proximité et de stabilisation en Asie et au Moyen-Orient. Par deux fois, récemment le gouvernement turc a refusé de se plier aux requêtes américaines prouvant qu’il était capable d’indépendance. L’Europe ne peut pas reprocher aux Etats-Unis son unilatéralisme et ne se donner aucun moyen de développer une politique étrangère autonome. La cacophonie qui règne autour de ces questions est troublante : les Etats-Unis, la Chine et l’Inde n’ont pas à craindre la puissance de l’Europe puisque celle-ci travaille contre elle-même avec ses divisions et son absence de politique commune.


Les relations commerciales entre la Turquie et les pays européens n’ont cessé d’augmenter : entre 1990 et 2003 ses importations ont triplé et ses exportations ont quadruplé. Une meilleure gestion de ces échanges, dans le cadre d’une politique économique globale, devrait permettre de rendre ces relations économiques plus performantes et plus compétitives. Les pays de l’UE font face à un problème profond et durable de main d’œuvre pour l’avenir : les chiffres sont impressionnants et certains spécialistes, dans des rapports internes de l’UE,  n’hésitent pas à parler d’un marché de l’emploi européen nécessitant pas moins de 15 millions de travailleurs dans les vingt prochaines années. L’Europe a besoin d’immigration. Au lieu de fermer les yeux et de se protéger avec des politiques d’immigration fermée (qui vont jusqu’à criminaliser les immigrés et les sans-papiers), l’Europe serait bien inspirée de penser à une régulation réaliste et raisonnable et la Turquie, en ce sens, devrait être un allié de taille compte tenu de ses ressources humaines.


Encore faut-il que les Etats européens dépassent leur peur de l’islam et qu’ils cessent de « culturaliser » la question de l’adhésion de la Turquie à l’UE. Les seuls critères d’adhésion doivent être ceux de Copenhague (1993) et force est de constater que la Turquie, comme il a d’ailleurs été reconnu en 2004 dans le rapport de la Commission européenne, y satisfait presque pleinement. Or, derrière les palabres et les résistances européennes, on sent bien que la question est culturelle et religieuse : les politiciens européens sont prêts, en ce sens, à négliger leurs besoins socioéconomiques à long terme pour satisfaire et répondre aux peurs (religieuses et culturelles) de leurs populations sur le court terme. Des millions de femmes et d’hommes sont déjà européens et musulmans et l’adhésion de la Turquie n’a rien de nouveau ni de dangereux. L’islam est une religion européenne de fait et la Turquie habite culturellement, politiquement et économiquement son avenir.


Nous avons besoin de politiciens européens courageux qui développent une nouvelle vision de cette relation avec la Turquie et qui rappellent que celle-ci, de par son histoire, sa géographie, son poids économique et sa situation naturelle de médiateur avec « le monde musulman », est un atout majeur pour l’Europe et son avenir. Au lieu d’attendre que les nécessités historiques imposent d’intégrer la Turquie au projet européen, autant s’appliquer à penser ensemble une politique d’adhésion claire et raisonnable qui respecte les principes politiques et reconnaissent la diversité culturelle et religieuse. La Turquie en Europe, cela impose que l’Europe se réconcilie avec ses principes ; ceux qu’elle a trop souvent trahis avec certaines de ses pratiques.


Cet article a été publié dans l’édition du Monde du 17 avril 09

1 COMMENTAIRE

  1. Je suis tout a fait d’accord avec cet article. Et il est risible de voir que la moitié de Chypre, celle qui est grecque, a adhéré à l’Union européenne et l’autre qui est turque, non. Anomalie plus que révélatrice.

    Laissons les hypocrites et les « valeurs » européenes parler…

    • Je ne suis pas convaincue par vos arguments.S’il y eut bien des échanges entre la Turquie et l’Europe,cela n’en fait pas un état européen.Sans compter qu’il y avait de réelles concurences économiques et territoriales entre elles.Souvenons-nous de la terreur des autrichiens devant l’avancée des armées ottomanes à ses portes.
      Mais j’admets sans problème que c’est bien une peur de l’Islam qui empêche son adhésion à l’Europe.
      Moi,je pose une autre question:pourquoi ne pas adhérer à une autre entité( qui resterait à créer) avec d’autres pays alentour?Rien n’empêcherait cette entité de commercer avec l’Europe.
      Si j’étais turque,je ne sais pas comment je réagirais à cette humiliation de me voir refuser l’entrée,trouver porte close. Alors que l’empire ottoman valait tellement plus que n’importe lequel de ces pays qui aujourd’hui font la fine bouche.

    • Salam

      Si comme vous l’admettez c’est bien une peur de l’Islam qui empêche son adhésion à l’Europe alors c’est tous les musulmans (surtout européens) qui devraient se sentir humilies et pas que les Turques.

      L’Europe a du mal a accepter sa composante musulmane et ce sentiment est bien travaillé par certains, dont le souci est autre que l’intérêt de l’Europe.

      La Turqie peut effectivement chercher des alliances ailleurs mais l’Europe n’a pas d’autres choix que de se réconcilier avec elle-même.

    • Salam,

      Qu’on le veuille ou pas et malgré toutes les volontés politiques qui veillent à ce qu’il n’arriverait rien de cela, l’avenir de l’Islam est en occident incha Allah. C’est quoi la Turquie ou un autre pays « musulman » par rapport à l’islam, et surtout quand on voit aujourd’hui comment évoluent les choses dans les sociétés « musulmanes »(c’est vraiment inquiétant)? ça ne veut rien dire et On se trompe maladroitement là-dessus.L’islam n’a ni une nationalité qui le définit, ni une frontière qui le détermine, il est pour la terre entière. Et concernant la question islamique, elle a été provoquée justement pour semer la confusion dans les esprits, nous induire en erreur et nous éloigner du vrai chemin. Que Allah nous Protège et Guide nos pas. Salam

    • Vous oubliez que Chypre est le seul pays européen à subir une occupation militaire depuis 1974.Cela ne vous gêne pas? La République turque de Chypre est un « pantin » d’Ankara.Il faudrait attendre le retrait des troupes turques et la disparition de cette RTC pour intégrer Chypre dans sa globalité dans la sphère européenne. Chypre peut être considérée comme telle car étant de culture hellénique.

  2. L’argumentation de Mr Ramadan me parait une fois de plus être sans faille…Cependant, une question me vient à l’esprit et quel plaisir aurais je d’en lire la réponse de Mr Ramadan lui même.

    Elle est la suivante :
    La Turquie est une république démocratique, unitaire, constitutionnelle et laïque mais il n’en n’est pas moins qu’elle reste à majorité musulmane.

    Dès lors, comment la Turquie serait elle vu par ses pays frères (j’entends là républicains et laïque) à majorité musulmane, et pays cousins au gouvernement musulman? Pensez vous que la notion de pays traître ou vendue effleurerait les esprits? Quand tout bien même la pensée inverse, un sentiment de fierté, pourrait le faire?

  3. Le Maroc avait demandé son adhésion à l’UE. En effet, l’Espagne occupe deux villes marocaines (sur le continent africain)…La France a des territoires dans le Pacifique…
    Certains européens manquent de cohérence quant ils argumentent par la géographie, l’histoire ou la culture.
    Non Leila, les turques ne se sentent pas humiliés par ce refus systématique de certains leaders politiques ou religieux. Ils revendiquent un droit et ils l’auront à l’usure.
    La Turquie d’aujourd’hui dérange par ses positions et sa puissance. Une certaine Europe n’a certainement pas apprécié l’attitude de Mr Erdogan avec Peres et encore moins la position turque lors de la dernière réunion de l’OTAN. Le très contesté Berlusconi a passé son temps à négocier avec le dirigeant d’Istamboul qui a « accordé » la présidence au Danemark mais qui a obtenu la vice présidence et la représentation au proche orient…Ce sont ces attitudes là et bien d’autres qui font peur à Mr Sarkozy qui fait profil bas.
    Oui, La Turquie est européenne. L’Europe a une composante islamique et ces musulmans ont le devoir de contribuer au développement de l’Europe et d’humaniser certains orgueilleux européens et de tendre la main à leurs pays d’origine.

    Beaucoup de peuples ont souffert et continuent à souffrir de l’arrogance et de l’ingérence européenne, aujourd’hui ces peuples sont au moins en mesure de crier : « ça suffit ».

  4. Salam

    Un jour il se peut que le coran, nous disent, tu as puisé des trésors en moi, tu as gouté la joie de ma compagnie, mais tu n’en pas pas fait profiter les autres…

    il continuera en disant, tu t’es noyé dans le monde et ses affaires, et et tu as oublié que beaucoup attendait de toi me concernant

    Allah est Ghaffour et Chakour,

  5. Question : Ne sommes nous pas responsables de cette suspicion à parler de Dieu tel un Dieu étranger c’est-à-dire en nous obstinant à ne pas traduire Son Nom lorsque nous communiquons ? Salam

  6. « L’islam est une religion européenne de fait et la Turquie habite culturellement, politiquement et économiquement son avenir… »
    Ce n’est pas seulement le cas de la Turquie! Il est bien évident que L’Europe doit faire face à plusieurs pays du monde qui l’y habitent sur tous les concepts et …religieux en particulier.
    Ce n’est qu’un début!

  7. Je trouve un peu fort qu’un Suisse donne son avis sur l’adhésion d’un pays à l’UE. Je rappel que les Suisses refusent toujours d’adhérer à l’Europe.

    Je trouve aussi scandaleux qu’un Suisse insulte les européens en les traitant de racistes et d’islamophobes. Les Suisses ont obtenu une « votation » contre la construction de mosques et de minarets chez eux ! Et les conditions d’immigration en Suisse sont connues pour être fortement restrictives.

    M. Ramadan, si vraiment la défense de votre culture vous tient a coeur, remettez votre costume tyrolien et retournez dans vos alpages pour gardez vos vaches, faire des trous dans vos gruyères, et arrosez les begonnias de vos ridicules challets en bois…

    Mais de grâce, ne nous imposez pas celle ci en Europe…

    • Chedelabarre,

      Pour votre gouverne – le costume tyrolien, comme son nom l’indique – provient du Tyrol, land d’Autriche…

      Puisqu’on y est, sachez aussi que les coucous suisses sont en fait des horloges provenant de Forêt Noire, soit des coucous allemands.

      😉

      Pour le reste, pourquoi un Suisse ne pourrait-il pas avoir un avis sur l’Europe ?

      D’autre part, croyez-vous que tous les européens sont/étaient pour l’adhésion ?

    • Em…mental ou trous de …mémoire?

      Salam,

      – Le Gruyère na pas de «trous» si par trou vous désigner ceux qui caractérisent l’emmental que le plupart des gens appellent Gruyère…

      – Un suisse de confession musulmane, encerclé par une Europe de plus en plus raciste et xénophobe a parfaitement le droit de donner son avis sur “ses voisins”.

      – Lorsqu’on a l’illusion de vivre dans une forteresse, un chalet en bois parait ridicule, mais le mur d’une citadelle ne peut empêcher le passage des idées de justice sociale , de responsabilité collective que véhicule l’éthique islamique.

      – Sur L’évolution des rapports de force internationaux je vous invite à lire cet article d’une personne française de souche qui a fui la nouvelle démocratie imposée par Mr Sarkozy:

      La France est une vieille nation que l’on ne peut manœuvrer en tous sens. Elle a un passé glorieux et s’identifie à un idéal. Souvent elle s’en écarte, mais toujours elle y revient. Elle traverse aujourd’hui une mauvaise période car elle est gouvernée par le « parti de l’étranger ». Ses dirigeants font le mauvais choix, dans la plus mauvaise période. Ils ont décidé de placer les armées sous le commandement de l’OTAN, concrètement sous celui du général Banz Craddock, le criminel qui créa le centre de torture de Guantanamo. Et cette trahison, ils l’ont décidée au moment où les États-Unis s’enfoncent dans la crise. Ils placent la France à la remorque d’un bateau qui sombre au risque de l’entraîner dans son naufrage.

      http://www.voltairenet.org/article159698.html

    • Citation du « réseau voltaire », du bien connu Thierry Meyssan…

      Je vois à quelle mouvance appartiennent les visiteurs de ce site.

      Nous sommes donc dans un repère d’intégristes ! C’est donc ça TR !-(

    • Oui, l’argent n’a pas d’odeur pour ce pays et ses habitants n’osent pas y regarder de plus près parce qu’ils sont conscients qu’ils y vivent très bien. Ceci dit, M. Ramadan a quitté « ce peuple sans histoire » pour rejoindre Londres, semble-t-il. Sourire Salam NB : Entre la théorie et la pratique, il y a des individus qui peinent à s’appliquer à davantage de congruence. Sachant que le monde est voué à devenir multiculturel, tout frein mental a vocation à disparaitre. Patience, le monde ne s’est pas fait en un jour.

  8. ça m’interesse bcp votre capacité de manifester votre raison d’une façon remarquable , interessnate , profonde .. je vous signale Mr que je ss fasciné par votre conception morale theolgique, philosophique… et je compte achter tout votre livres des que j’aurai l’argent pour le faire ( je ss encore etudiant en france )barak el lahou fik w nasarak el lah

  9. Si la Turquie était intégrée sans référence à une histoire des religions, alors seul le droit viendrait fixer ce territoire. Pouvons nous imaginer qu’ainsi les problèmes de fond -entendre d’égalité économique- priment ? La voix de sarkozy ne masque-t-elle pas celles des industriels qui peuvent, grâce à une europe sans cohérence en matière de droit du travail, créer et exploiter à proximité et en toute légalité ? Devons nous rappeler qu’un employé roumain, par exemple, pourtant chrétien (lol), est aujourd’hui exploité (quelques centaines d’euros) ? Permettez moi de penser que tout ce tapage autour de prétendues compatibilités culturelles constitue le miroir aux alouettes de notre siècle. « Le juste est le plus proche de la foi », le Coran. Gardons les esprits clairs et quittons ces schémas explicatifs d’un autre temps. Nous devrions ainsi y gagner pas moins que le pan social du progrès. Salam

  10. bonjour frère tariq je me nomme sanfo Omar une question que je me pose! aidez moi à comprendre pourquoi la turquie se fatigue tant à vouloir rentrer dans l’UE et porqi pas le contraire? tout comme le maroc et la turquie se battent beaucoup plus pour l’ue au detriment de l’UMA. je ne comprends pas comme dirait quelqu’un que la tête de l’orient d’hier se bat pour être à la queue de l’occident d’aujourd’hui. c’est une bataille perdue d’avance. il vaut mieux s’affirmer au lieu de chercher à singer. l’iran et la corée nous montre le chemin à suivre. ils s’impsoeront par la matière grise et le fer. tout comme le japon l’allemagne hier decrié est aujourd’hui incontournable. et l’histoire des juifs elle ne nous enseigne rien? hier pourchasser le juif decide pour tous aujourd’hui. dr s

  11. Je vous sais gré pour avoir partagé avec nous ce point de vue sur une question qui interpelle tout citoyen européen au regard de la politique qu’on mène en son nom mais aussi au delà tout citoyen soucieux de la politique aussi bien interne qu’ externe de son État.
    Je dois reconnaître que votre article est tout ce que le bon sens permettrait de faire de raisonnable et lu par un Turc cela pourrait lui laisser caresser l’espoir de voir son pays un jour membre à part entière de l’UE.
    Seulement lorsque l’on se place sur le champ de la politique , le raisonnement est tout autre et il n’est pas évident que l’on obéit toujours au bon sens, ni non plus à une certaine morale encore moins à une certaine courtoisie désintéressée qui permettrait de regarder l’autre en toute objectivité et de le traiter en sa juste valeur. Ce qu’il faut reconnaître et que malheureusement le citoyen commun peine à percevoir, et qui est une des règles fondamentales des relations internationales, c’est que les États n’ont pas d’amis permanents ni d’ennemis permanents mais n’ont que d’intérêts qui perdurent.
    Ainsi ce ne sont ni les atouts ni les efforts de rapprochement , ni même la proximité indéniable qui font que le regard change mais si et si seulement lorsque la politique et l’idéologie changent , en ce moment alors on pourrait espérer un changement dans le regard et peut être dans le traitement avec un élan moins passionnel.
    Du reste celui qui lit S Huntington comprendra cet état des faits. On peut dire que le Choc des civilisations qu’il entrevoyait n’a pas encore eu lieu mais la réalité actuelle est signe de mauvais présage. Et j’adhère à vos propos en disant sans ambages que ce qui se dresse comme une forteresse à l’adhésion de la Turquie c’est la réticence ou la suspicion voire le dédain du politique européen face à l’islam ou disons de manière général au retour du Religieux. Et cela est modelé, additionné à la peur et à la menace que l’on fait miroité à l’opinion publique déjà angoissée et stressée et que l’on projette dans son subconscient ,afin de transformer tout cela en fonds de commerce politique qui génère de bons profits ,échéance électorale et crise économique obligent. Sinon comme vous l’avez si bien dit le citoyen turc est déjà européen, réside, travaille et participe à l’essor de l’Europe mais cette évidence ou cette réalité ,aucun politique n’osera le dire car cela accentuera la psychose nous dit-on!
    A lire Huntington , je ne peux que lui donner raison même si le choc n’est pas ce que je prônerais. Mais en regardant , en méditant et en analysant ce qui ce passe autour de nous voilà ce que je partage avec lui:
    Le monde actuel nous offre deux cas d’école dans les essais presque achevés de transformation politique en vue de reconversion ou de perversion (entendre dénaturation culturelle). C’est le cas de la Turquie et du Mexique. Deux États aux portes des « grandes démocraties ».
    Kamel Atta Turk a tout fait  pour faire sombrer la culture ottomane , oubliant ou ignorant le passé glorieux ottoman en méditerranée et s’est désormais tourné vers l’Occident. Il fut instauré l’État laïc et républicain, l’interdiction du voile du chéchia, décrété le port du tailleur , de la cravate et du chapeau nanti. Malgré toutes les distorsions culturelles internes et les efforts inlassables pour se faire accepter par un Occident , le greffage peine à réussir  et les prévisions sont toujours pessimistes. L’aventure peut à long terme engendrer d’ailleurs des frustrations si ce n’est déjà le cas. Et les perspectives de votre une Turquie européenne attendraient encore pour être envisagées. Il faut dire que la Turquie malgré tous les efforts d’acculturation consentis n’est pas aux yeux des nouveaux dissidents européens, une bonne cliente ,et des pays d’ex-URSS verront leur candidature plus vite validée que la sempiternelle candidature turque.
    Aujourd’hui la Turquie est plus loin de l’Europe que jamais( conjoncturellement), elle n’est ni asiatique, ni européenne . Elle reste une presque ile stratégique en méditerranée.
    L’autre exemple , c’est du Mexique qu’il s’agit. Son géant voisin du nord est son Modèle. Les autorités politiques de ces dernières décennies ont tout œuvré pour appartenir à l’ALENA( accord de libre échange nord américaine) même si le Mexique est un pays d’Amérique centrale plus latine du point de vue culturel qu’élément du nord américain dominé par les USA et le Canada. Ici aussi les mêmes procédés ont eu cours pour réussir une greffe qui pourrait  avoir des séquelles douloureuses.
    Le résultat c’est que plus on tend vers l’adhésion définitive,plus on se fait poiroter , plus on perd son âme à savoir sa culture. Les grands choix politiques ont pour base une culture.( Ceux qui sont un peu intéressé par la question peuvent lire HUNTINGTON , clash of civilizations).
    Une civilisation sans grandes valeurs s’étiole, se rouille et se meurt comme un sentier abandonné en savane
    pour ce qui est du discours de Obama, c’est un clientélisme qui ne dit pas son nom. Je ne veux pas faire le procès d’intention mais à vue de pays on peut dire que le Jocker Obama est intervenu dans un contexte international où comme il le prétend d’ailleurs ,  il est le mieux conventionnel et cristallise un consensus interne aux USA  au lendemain d’une politique arrogante basée sur la suspicion , faite d’unilatéralisme et dont il faut désormais dissoudre dans les consciences déçues d’hier et redorer le blason de la politique étrangère sous d’autres cieux pluriels.
    Aussi si la robe politique et voire même l’équipe dirigeante ont changé aux USA, la politique ,elle n’a pas changé de cap dans sa quintessence malgré l’enthousiasme et l’euphorie de l’élection présidentielle, elle changera de méthode au gré des circonstances mais il est utile de rappeler que la ligne de conduite de la politique étrangère ne date pas d’aujourd’hui et elle n’est pas encore repensée ou réactualisée , elle demeure la même, celle que les Pères fondateurs ont conçue et conceptualisée. Obama a d’ailleurs toujours fait le lien avec ces derniers notamment A.Lincoln.
    La nouvelle tendance à laquelle on va assister ( qui est d’ailleurs déjà rentrée en vigueur) dans les jours et les années à venir c’est une sorte de machiavélisme alternant multilatéralisme, coalition,pression politique, coercition voire un recours et l’usage de la force si l’intérêt vital de l’Amérique est en jeu. C’est cette realpolitik qui s’entend derrière le thème de dialogue sans conditions avec les supposés ennemis d’hier( les pays de l’ex axe du Mal). Et dans cette nouvelle stratégie, l’Otan est un outil de taille qu’il faut revigorer, l’EU un partenaire privilégié, la Turquie un État et un allié stratégique qu’il faut ménager et caresser dans le sens du poil mais en réalité en jouant au Corbeau et au Renard( fable de la Fontaine) et en touchant la corde sensible. La leçon c’est que tout flatteur vit au dépend de celui qui l’écoute. Obama est éloquent et diplomate né,il a su le prouver à travers le périple qui l’a amené à la Maison Blanche. Il a mérité alors l’ovation de l’hémicycle turc. Seulement il faut se rendre compte que Obama ne sera jamais Gorbatchev ( comme le veut l’étranger) pour mettre à terre et démanteler l’empire américain car en cela il s’acquérirait la grogne interne en Amérique et risquerait son avenir politique et même son être.
    Pour celui qui veut s’en convaincre davantage, le nouveau livre de Leslie H Gelb, « Power Rules » est une lecture conseillée. Ceci pour dire que les think tank américains ont déjà pensé et analysé le terrain avant que l’équipe d’Obama ne procède à la mise en pratique.
    Il faut enfin dire que le Marché des cultures est à son comble en ces heures ,les vrais métaux et les pacotilles y prennent part. Ceux qui sont obnubilés par l’effet scintillant et le faux-semblant se feront sûrement avoir au négoce par les escrocs et les marchands d’illusion de nos temps ou par les discours séduisants et convaincants des nouveaux Talleyrand.
    Dans la valise des négociations , il y aura toujours les mêmes dossiers, le même cocktail: démocratie, droits de l’homme, droits de la femme, droits de l’enfant , laïcité , bonne gouvernance, la liste est longue mais une grande coquille vide en réalité. L’élan messianique toujours de mise. Seulement je ne puis résister de dire à la Turquie: « tu as déjà fait plus qu’il ne fallait et tu risques désormais ton âme ».

  12. Dans sa conception même, « l’Europe » c’est l’union des peuples occidentaux, peuples « de race blanche et d’origine chrétienne » (les Slaves orthodoxes sont des Orientaux, des semi-Asiatiques !) à l’exception de tous les autres : voir Robert Schumann (« Mémoires »), de Gaulle (« Mémoires d’espoir ») et tous les autres. « L’Europe » c’est fait pour protéger la « civilisation occidentale » (à l’UNESCO, Etats-Unis et Canada font partie de la section « Europe »…)face aux « menaces » du « tiers-monde », de l’islam, des masses jaunes, indiennes,négro-africaines, de la Russie encore (et, hier, du « communisme »). C’est dit et répété dans des myriades de livres, d’articles, de déclarations. Pourquoi croire ou feindre de croire autre chose ? Vous savez ainsi très bien que l’Arménie et la Géorgie par ex. sont considérées comme européennes, pas évidemment l’Azerbaïdjan ni la Turquie musulmane. Et pourquoi vouloir diviser, finalement, l’humanité en grands blocs ethno-civilisationnels, s’entrechoquant forcément : Blancs euro-nord américains, Arabo-musulmans, Noirs, Jaunes, « Latinos », etc.? Pourquoi pas, au delà des frontières étatiques actuelles, l’internationalisme (= toutes les nations), la solidarité de chaque peuple avec tous les autres ? D’ailleurs, les grandes religions ne sont-elles pas par définition mondialistes, universalistes (= l’humanité entière)?

  13. Il est évident que la Turquie constitue l’avenir de l’Europe, son adhésion serait d’ailleurs moins problématique que celle des pays de l’Est beaucoup plus soumis à l’Oncle Sam. Malgré la laïcité affichée, l’Europe reste profondément religieuse dans ses craintes, ce qui est assez paradoxale. D’un autre côté, je trouve que l’entêtement Turque à adhérer à l’UE démontre un certain manque de fierté car après tout si la Turquie se repositionné plus vers l’Asie centrale en créant une véritable zone de libre échange avec ses voisins, l’U.E serait dans de beaux draps. Il serait temps que la Turquie devienne actrice et non mendiante.

  14. Salam,

    Voici un résumé d’un documentaire intitulé « Lorsque le monde parlait Arabe»:

    A partir du XIIIe siècle, les philosophes et les intellectuels chrétiens, conscients de tout ce qu’ils doivent à la culture arabe, ambitionnent d’en rejeter l’héritage après l’avoir assimilé pour fonder une culture européenne. C’est le début de la Renaissance. Une profonde modification qui va tenter de minimiser l’apport de savants tels qu’Avicenne, Al-Razi, Averroès ou encore Al-Khuwarizmi

    Je pense que le monde actuel a besoin de vérités ultimes et de supporter les privations en patchwork de libértinages incertains;le monde actuel a besoin de RENAISSANCE Intellectuelle pour sortir du joug interculturel menançant cet humanisme laique,vrai embuscade de « soldats engagés » mal éclairés.C’est un peu le bordel; Non beaucoup trop le bordel. Oui ,il faut de plus en plus de ceci: la foi dans les autres. Il fallait la foi pour prendre paret aux soulagements des maux sévissant dans le monde; peu d’hommes cependant s’en souviennent.
    Qu’à nouveau les visages sourient à la confiance commune de paroles prononcées aux coeurs unis par ce que taisent les mots: la foi en un homme élu pour l’unité des messages d’espoir de renaissance plus humanitaire de Mr barack Hussein Obama. La Turquie est europeenne!!!

  15. Salam

    On est souvent dans l’impression de l’approche politico-identitiaire avec ce genre d’article

    Même la philosophie prends parfois ce chemin

    un universel orienté, drôle d’universel…

  16. salam alaykoum
    je m’appelle imane et j’ai 14 ans et demi .Je pense que l’Union Européenne n’est pas assez remise en cause comme les dirigeants européens aiment le faire avec les pays du moyen orient ,de l’afrique ou de l’amerique du sud.L’amérique du nord a été également critiquée par les européens (politique bush notamment) On nous a fait et on nous fait encore croire que l’union européenne est sans faille ou du moins moins coupable des conflits mondiaux et du désastre économique mondial.C’est complètement faux!La colonisation a laissé d’énormes sequelles et a détruit un continent :l’afrique et après on accuse l’afrique de mendier,de ne pas savoir se gérer etc après l’avoir dépouillée de ses matières premières et utilisée comme main d’oeuvre!les européens se donnent bonne conscience avec les aides humanitaires et se présentent comme les sauveurs de l’afrique!Mais bon ,je m’éloigne du sujet. La seule chose que je voulais dire c’est que l’UE a ses failles mais qu’on n’ose pas montrer.Au collège on ne cesse de nous répéter que l’UE ,les States avec le canada st développés contrairement au reste de la planète . J’ai le sentiment qu’il veulent nous convaincre que le NOrd de la planète est super dvpés etc et le sud regroupe tous les défaults qui existe et est un poids pour les pays « développés « .On nous dit que la Roumanie est plus développée que la Turquie ou que l’arabie saoudite .J’ai demandé pourquoi ,on m’a dit parce-que la richesse de l’arabie saoudite ne profite qu’a quelque personnes …..
    sur ce baraka allahou fikoum et je pense que si les pays musulmans prenaient la temps d’étudier les lacunes et les besoins qu’a L’UE ils s’appercevraient que les pays musulmans sont indispensables pour l’UE économiquement et que l’Ue remet sans cesse en cause les pays musulmans pour leur faire oublier cette réalité.
    Assalamou alaykoum

  17. Bonjour,

    Selon des critères exclusivement géographiques, il ne semblerait pas logique l’entrée de la Turquie en Europe.

    Sur le plan économique, l’entrée en Europe de la Turquie entraînerait de nombreuses retombées positives pour cette dernière. Toutefois, des pays européens tels la Grèce, le Portugal et dans une moindre mesure l’Espagne auraient à court, et à moyen terme, énormément de contraintes et d’irritants dans la mesure où la Turquie les concurrencerait sur leurs propres marchés avec des structures de coûts moindres. C’est une des raisons qui, conjuguée à une histoire mouvementée, pousse la Grèce à s’opposer à l’entrée de la Turquie en Europe.

    L’entrée de cette dernière à l’Europe est soutenue par les USA qui ont des investissements et des entreprises importants en Turquie. Cette dernière serait, en quelque sorte, une sorte de cheval de Troie pour l’occupation de marchés européens par des firmes US. Cependant, la Turquie n’est pas la seule dans ce cas si on la comparait à la présence économique US en Espagne, en Allemagne, et même en Grèce.

    Par ailleurs, il semblerait que les principaux obstacles de l’entrée de la Turquie à l’Europe sont aussi de nature religieuse.

    Bien entendu, on invoquera des raisons propres aux droits de la personne, aux peuples à disposer d’eux-mêmes (cas des Kurdes) et au génocide perpétré par la Turquie à l’encontre de l’Arménie pour agir sur le processus d’étude de l’adhésion de la Turquie à l’Europe.

    Quant à moi, je ne pense pas que l’Europe soit prête à accepter la Turquie en son sein. De même, je verrais la Turquie s’orienter davantage vers les pays du Moyen-Orient et vers des pays de l’Asie centrale faisant partie anciennement de l’URSS.

    Bien sûr, la Turquie gagnerait à adhérer à l’Europe. Mais à long terme, ses intérêts sont davantage auprès des pays du Moyen-Orient et des pays musulmans limitrophes.

    Salutations !

    Zak B.

  18. Bonjour,

    votre article est intéressant, mais présente une omission troublante : pourriez vous commenter le veto que la Turquie a tenté d’opposer récemment à la nomination de M Rasmussen?

    En fin analyste, vous devez certainement savoir pourquoi la Turquie avait pris une telle décision.

    Tout comme vous devez savoir que ce jour là elle s’est tirée une balle dans le pied, retardant certainement de plusieurs années une improbable adhésion.

    D’avance merci.

    • Le devoir de précaution !

      Il ne faut pas minimiser l’impact de l’Islam sur une société Européenne qui historiquement a du ,il y a quelques siècles, se battre contre les envahisseurs musulmans pour sa survie culturelle et « civilisationnelle » et dont sa principale identité fut qu’elle était justement non islamique (il y a des références historiques très crédibles à ce sujet).
      Elle se sent de nouveau envahie ou du moins sur le point de l’être par l’immigration des musulmans et celà réveille ses peurs ancestrales.
      La peur de l’Islam est légitime vu le contexte historique et actuel et cela incite à la prudence vu que le « modèle » du pays musulman qu’est la Turquie semble glisser entre autres vers l’application de la charia.
      La plupart des Européens ont peur d’être assimilé graduellement et irrémédiablement à la culture musulmane et le poids démographique de la Turquie est perçu à juste titre comme une menace.
      Nier cela serait de nier l’identité réelle de l’Europe qui ne peut tolérer une trop grande proportion de musulmans sur son territoire sans risquer d’y perdre son âme.

      La Turquie doit démontrer, hors de tout doute raisonnable, aux Européens qu’elle ne représente pas une menace à leur sécurité culturelle et identitaire ce qui s’avère une mission impossible ,à mon avis, pour la vaste majorité de ces occidentaux inquiets. Les fondements idéologiques, culturels et sociales sont pratiquement irréconciliables jusqu’à preuve évidente du contraire.
      Dans le doute il faut donc s’abstenir de prendre des risques immodérés d’intégrations forcés dont les conséquences peuvent être désastreuses pour ces deux grandes civilisations qui ont autant besoin de se confronter dans leurs différences en restant chacun chez-soi pour mieux se reconnaître dans leurs identités respectives

      Le « timing » est très mauvais pour une demande d’intégration de la Turquie à l’Europe vu le contexte d’une grande et rapide montée des intégristes musulmans et de la perte graduelle de l’esprit laïque de ce pays qui de toute façon sera toujours musulman avant d’être Européen

      Ayons la sagesse de le reconnaître….

  19. Salamou alikoum

    Je suis scandalisé car en recherchant l’article sur le site du monde je ne l’ai pas trouvé.
    Je l’ai ensuite cherché sur google qui me l’a proposé sur un autre site (acturca)mais aucune trace sur le site du monde.
    Quand on tape tarik ramadan article publié depuis 1an, le journal ne propose aucun article.
    SOubhanallah
    Et ça donne des leçons de libertés d’expression.

    wasalam

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